“Pubis Armé, 1er round”

Pubis Armé, 1er round, 2002. Ébauche du projet.

Pubis Armé, 1er round, 2002. Ébauche du projet.

Culotte accrocheuse au pubis tentaculaire surdéveloppé. Mouvement de grâce d’un poulpe à l’attaque se propulsant dans le monde. Présence manifeste mettant au défi la phallocratie, le patriarcat et les femmes.
— Extrait du texte accompagnant l'installation, 2002.
ematome_art_pubis-arme_03.jpg
Pubis Armé, 1er round, vues de l’installation, 2002.

Pubis Armé, 1er round, vues de l’installation, 2002.

L’orage fait rage au-dessus de ma tête et m’assomme de sa grêle, un peu comme si le ciel jetait des milliers de cailloux sur mon toit, sur mon crâne, et sur les souvenirs de cette 1ère installation, mes 1ers pas en tant qu’artiste. Cette 1ère fois, décisive, et l’un de ces rares moments où tu sais, du plus profond de toi-même que “C’est ça, c’est là !”.

Pubis Armés, 2001. Objets-manifestes issus du projet “Putsch”.

Pubis Armés, 2001. Objets-manifestes issus du projet “Putsch”.

Pourquoi es-tu venue au monde ma fille, quand un garçon je voulais? Va donc à la mer remplir ton seau : puisses-tu y tomber et t’y noyer.
— Vieille Chanson Populaire

Cela faisait 6 mois que j’avais obtenu mon dernier diplôme avec ce projet d’étude intitulé «Putsch» issu de réflexions et problématiques féministes. Projet borderline entre les milieux Art Contemporain et Mode. J’étais en pleine errance. Je voulais faire et toucher à tellement de choses que je ne savais pas où j’allais. Après un job alimentaire des plus élémentaires, je croise le chemin d’un des anciens de l’école. Il me raconte qu’il monte un évènement pluridisciplinaire dans une friche industrielle du 12e, et me propose d’y participer. Ça a fait « tilt », direct ! Le soir-même le projet était pondu, et quelques jours plus tard on se retrouvait sur place pour les repérages.

Pubis Armé, 1er round, 2002. Vues extérieures del’installation.

Pubis Armé, 1er round, 2002. Vues extérieures de l’installation.

Le lieu était immense et magnifique. Au rez-de-chaussée se trouvait les anciens laboratoires de tirage de photographies de Mode, une succession de chambres noires, à l’ancienne quoi. Tout était noir, l’intérieur des chambres, l’extérieur, tout. 2e “tilt”, confortant ardemment le 1er, j’avais trouvé mon endroit ! Ma joie toucha son paroxysme lorsqu’il m’annonça qu’on avait “carte blanche”, cette friche vivait ces derniers moments avant de se faire démolir… J’étais surexcitée. État de transe amorcé !

ematome_art_pubis-arme_07.jpg

Cette culotte au pubis tentaculaire surdéveloppé, part à l’attaque de l’espace et du monde, pour enfin y prendre place. On a écumé suffisamment d’incarnations à se faire mettre en boîte et en vrac… Une rage jusqu’alors aphone pouvait enfin s’exprimer, elle avait trouvé un espace pour se faire. Pour le 1er round, le pubis faisait entre 2 et 3m de long. L’utopie du projet est qu’à chaque round, le pubis grandisse et pousse davantage, pour atteindre les 50m d’envergure et peser pas loin d’une demi tonne au bout du “énième” round. De fait, il ne peut pas revenir en arrière et investit, round après round, après round, des espaces toujours plus grands. Les hameçons mutant petit à petit en ancres, en harpons, comme je ne sais quelles autres armes d’ancrage et ici, de libération.

En 1990, on a estimé à 100 millions le nombre de femmes manquantes
Échantillon des extrémités des poils pubiens, incluant un des poils de la maturité (le gros, le gris, l’argent)

Échantillon des extrémités des poils pubiens, incluant un des poils de la maturité (le gros, le gris, l’argent)

Principe de l’hameçon : pénètre aisément la chair, j’irais même jusqu’à dire vicieusement, car la proie ne peut s’en échapper sans dégâts. Halte à l’indifférence, ça peut faire mal.
— Extrait du texte accompagnant l'installation, 2002.

Le chantier a duré environ 1 mois. J’alternais entre l’élaboration du Pubis dans mon grenier et la préparation du lieu sur place. Pendant une semaine, j’ai défoncé la pièce, jour et nuit. J’étais inarrêtable. Armée d’un burin et d’une masse empruntés à mon père, j’ai éclaté les murs, créé des tranchées, des impacts, pour faire jaillir le blanc planqué derrière tout ça. Ce Pubis Armé s’est attaqué concrètement aux fondements du lieu et donc du monde, pour sortir enfin d’un espace défini toujours trop petit. “Ça” gratte, ça griffe, ça craque, ça veut sortir… Tantôt je m’écroulais une heure ou deux sur un vieux canapé descendu des étages, avant de reprendre cette danse impertinente avec la chambre noire et la vie. Je me nourrissais de sardines et de baguettes fraîches, saupoudrées de plâtre, un met devenu divin à la saveur ouvrière. Une vraie madeleine de Proust depuis. Des fois à l’aube, j’allais gober des rayons de soleil sur le marché d’Aligre. Je me prenais un bain de foule, un bain de vie, ce qui contrastait violemment avec le silence de la friche, où seuls, à ce moment, résonnaient mes coups de masse et le son des murs qui s’éclatent et s’effritent.

ematome_art_pubis-arme_09.jpg

Pour atteindre l’installation, il fallait traverser un couloir recouvert d’un papier-peint phallocrate, tagué féministe. Un ensemble de moustaches de toutes formes et épaisseurs, tagué avec différentes citations, textes et chiffres, issus de mes recherches. Deux des “Pubis Armés”, les premiers, les “petits”, y étaient suspendus. Ils prônaient là comme deux cerbères, ou deux chiens Fo, au choix. Ce couloir débouchait sur un sas, resté noir, habité du texte et des questionnements accompagnant l’installation. On arrive donc à la chambre noire, et blanche maintenant, équilibre à la “ying-yang” sauvagement rétablit, où trônait le Pubis Armé, ce pubis-bijoux, à l’assaut du monde.

Papier- peint phallocrate tagué féministe et “petits” Pubis Armés.

Papier- peint phallocrate tagué féministe et “petits” Pubis Armés.

De part son statut et sa violence établie, cet oeuvre-manifeste s’auto-agresse. Le fait de s’armer et d’attaquer, dénonce automatiquement une peur liée au besoin vital, de se protéger. Vis à vis de quoi ? Quelle a été, quelle est, la condition de la Femme de l’universelle à l’individuelle ? Dans quel monde évoluons-nous ? Qu’en est-il aujourd’hui du combat féministe, de l’égalité des sexes, de la qualité de l’amour, de l’état d’affect et de cette notion de dyade prônée depuis toujours ? (...) Comment prendre place dans ce monde et agir ?
— Extrait du texte accompagnant l'installation, 2002.

Durant ce chantier, j’ai été habitée comme jamais. La joie d’être à l’œuvre a tout galvanisé, tout transcendé. Toutes ces lectures, toutes ces recherches, absolument indigestes, sur l’Histoire des Femmes, du Féminisme, sur l’origine de la domination masculine, l’état des violences à l’époque (on était en 2000), l’érotisme, la pornographie, y tutti quanti… Tout ça, je pouvais enfin le recracher comme une bonne grosse pelote de rejection enrobée de perles et de brillants, en mode : «Tiens, regardes notre monde !».

L’évènement regroupa une quarantaine de créateurs de tous poils et dura une nuit. Une seule et unique nuit, durant laquelle l’immeuble fut comble et vivant comme jamais. Un pur bonheur !

Il n’y a jamais eu de 2nd round.

Un énorme “MERCI” à Daniel, Alexis, Camille, Vincent, Slim, et tous ceux qui.

Intrigué.ée, déboussolé.ée, révulsé.ée ?!! Alors vous allez adorer rejoindre mes contacts privés ! L'aventure ne fait que commencer... C’est par ici !

Suivant
Suivant

Tu le rases, l’arraches, l’épiles…